Le Liban et la crise syrienne

Très affecté aux plans économique, social, et sécuritaire par le conflit voisin, le Liban est à la fois la victime et l’instrument de la crise syrienne. Au ralentissement de l’activité induit par les liens commerciaux, touristiques et financiers des deux pays, se greffent des conflits civils opposant partisans et opposants à Damas, tandis que le tissu social est éprouvé par l’afflux de réfugiés syriens. Pire, la porosité de la frontière expose aussi le Liban à des tentatives de déstabilisation de Damas qui augurent très mal de la chute éventuelle du régime.

Les conséquences sur la stabilité politique du pays des Cèdres sont donc très nettes : alors que le gouvernement pro-syrien nommé en 2011 à la faveur d’un simple renversement d’alliances a jusqu’ici tenté d’afficher la plus grande neutralité, un nouveau basculement de majorité provoqué par le changement de camp de Walid Joumblatt, encore formellement dans la majorité pro-syrienne, et l’affaiblissement du Hezbollah, doit être anticipé.

Le pourrissement de la situation en Syrie et la perspective de conflits régionaux induits par la chute éventuelle du régime de Damas conduisent à s’interroger à nouveau sur les répercussions du conflit au Liban. Très affecté sur le plan économique, social et sécuritaire par le conflit voisin, le pays des Cèdres n’a guère pu y réagir en raison de ses divisions gouvernementales et sociales. Mais la montée des tensions libanaises et régionales et la perspective d’un changement de majorité gouvernementale pourraient dépasser ses autorités. Dans ce contexte, il est utile de rappeler quelles ont été la situation et les réactions libanaises depuis le début de la crise syrienne ainsi que les conséquences politiques et sécuritaires auxquelles le pays est à ce jour exposé.

La Syrie n’a jamais véritablement quitté le Liban

Il est néanmoins nécessaire de rappeler que la Syrie a pu maintenir une influence forte au Liban après le retrait de son armée, en avril 2005.

Si Damas a alors abandonné l’ambition d’un déploiement de troupes au Liban, le régime va néanmoins maintenir ses jalons politiques et militaires chez son voisin pour continuer de peser dans la région et maintenir une fierté nationale. C’est ainsi que Emile Lahoud et Nabih Berri, Présidents de la République et du Parlement, et alliés de Damas maintenus au pouvoir, défendirent à l’époque les intérêts syriens. Et que le Premier ministre, Fouad Siniora, sera ignoré par Damas et mis sous pression par l’opposition nouvelle au Courant du Futur majoritaire, composée du Hezbollah, du mouvement Amal et du Courant Patriotique libre (CPL) du Général Aoun, exclu de participation gouvernementale malgré son bon score électoral aux élections de juin 2005.

Ce nouveau clivage politique traduisait la montée de tensions propres à la politique libanaise mais s’organisait surtout bien plus nettement autour de la question du rôle et de l’influence syrienne dans le pays, que les difficultés d’établissement du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) cristallisèrent. Le renforcement du Hezbollah suite à l’intervention israélienne de 2006 [1] , et la montée des tensions entre les camps du 8 mars (allié à Damas) et du 14 mars (opposé à Damas), firent courir un temps le risque de guerre civile et de tensions que la Syrie eût tout intérêt à alimenter.

En effet, les accords de Doha de mai 2008, prévoyant l’élection d’un nouveau Président de la République et la formation d’un gouvernement d’union nationale, fournissent à la Syrie l’occasion de prétendre qu’elle concoure avec bienveillance à la baisse des tensions libanaises. Dans la foulée, sa réintégration dans le concert diplomatique dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée, à l’été, elle-même suivant des négociations de paix avec Israël, ainsi que l’ouverture de relations d’État à État avec le Liban (2008), paraissent être autant de signes annonciateurs d’avancées entre les deux pays.

Toutefois, peu de changements concrets sont notés dans la relation bilatérale, comme en attestent les nombreux contentieux syro-libanais toujours en suspens. Que ceux-ci concernent l’absence de délimitation et de contrôle effectif de la frontière, les armes des Palestiniens hors des camps, les prisonniers libanais en Syrie et, bien sûr, la trop lente révision des accords bilatéraux issus de Taëf, la Syrie parvient à maintenir des leviers d’influence diffus au Liban [2].

Quant à l’armée et aux services de renseignement libanais, ils ont été profondément marqués par la tutelle syrienne, le corporatisme et le clientélisme. Il ne semble dès lors guère étonnant qu’ils ne comptent pas parmi les farouches opposants à Damas.

Les répercussions du conflit syrien sur le Liban

Ces imbrications politiques et institutionnelles traduisent de facto les liaisons des deux sociétés libanaise et syrienne.

Dans l’Empire ottoman, les liens commerciaux et civils entre les provinces des territoires actuels de la Syrie et du Liban étaient naturels. Et les liens humains se sont renforcés par la suite. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, par exemple, de nombreux ouvriers syriens ont émigré au Liban, avant des catholiques d’Alep arrivés dans les années 1950. Certains parmi ces derniers sont devenus des banquiers et de riches commerçants du Liban. De nombreux hommes d’affaires syriens occupèrent également peu à peu des fonctions influentes dans la finance et l’immobilier libanais.

Cette présence ancienne, fortifiée par la présence syrienne au Liban pendant la guerre civile de 1975 à 1990, puis maintenue jusqu’en avril 2005, reflète une volonté continue de la Syrie de se projeter dans un ensemble unifié. Cette ambition fut facilitée par les nombreuses conventions d’application du Traité de Fraternité (1991), dont celles sur les libertés de circulation, de création d’emplois, de travail ou de flux de capitaux. Celles-ci ont en effet conforté le rôle de plateforme commerciale et financière attribué au pays des Cèdres dans le service des intérêts syriens, qu’ils soient ceux du régime ou des milieux d’affaires des deux pays, et renforcent l’importance des proximités et des intérêts entre les deux peuples [3].

Cette étroite imbrication des deux pays a logiquement exposé le Liban aux conséquences économiques, sociales et sécuritaires de la crise syrienne actuelle.
L’économie libanaise a été fortement déstabilisée par celle-ci malgré sa résilience maintes fois mise à l’épreuve par le passé. Ainsi le Fonds Monétaire International (FMI) a-t-il chiffré la croissance libanaise en 2011 à 1,5% contre une moyenne de 8% entre 2007 et 2010, et a identifié la crise syrienne comme le principal risque pesant en 2012 sur l’économie [4]. Les représentants des organisations agricoles tirent d’ailleurs la sonnette d’alarme en signalant, par exemple, que 90% des bananes produites au Liban sont exportées vers la Syrie ou encore que les exportations de pomme de terre ont chuté de moitié.

Un autre secteur touché par la crise syrienne est celui du tourisme. Si les chiffres font état d’une très mauvaise année 2011 avec une contraction de l’ordre de 25% du nombre de visiteurs, l’instabilité politique au pays des Cèdres lui-même ne peut expliquer qu’une partie de l’atrophie. Il convient de comprendre que le flux de visiteurs occidentaux qui est directement affecté par la situation en Syrie [5] ne constitue pas le cœur du tourisme libanais. L’inquiétude porte donc plutôt sur les conséquences de la crise sur le tourisme régional, qu’il soit syrien ou arabe, ainsi que sur celui des Libanais de l’étranger. Le principal risque est bien entendu celui d’une assimilation du Liban à la Syrie dans les esprits des touristes et/ou d’une crainte de contagion de l’instabilité qui conduirait à des annulations massives des estivants régionaux et des émigrés libanais. La recommandation faite, en août 2012, par plusieurs pays du Golfe à leurs ressortissants de quitter le pays aura des effets sensibles.

Enfin, le système financier est très éprouvé par la crise syrienne, comme le montre les avertissements de Moody’s évoqués plus haut. Deux mécanismes principaux sont à l’œuvre. D’une part, l’activité des banques libanaises, très présentes en Syrie depuis la libéralisation du secteur lancée par Bachar el-Assad, subissent de plein fouet le ralentissement de l’activité et la dégradation rapide de la situation économique syrienne. Les sanctions contribuent également à diminuer fortement les flux financiers transitant par la place bancaire beyrouthine. D’autre part, les banques libanaises pourraient être fortement exposées au risque de crédit de par leurs implantations en Syrie et leurs activités avec des entreprises ou ressortissants syriens depuis le Liban. Certains banquiers reconnaitraient en privé que leurs banques ont prêté des milliards de dollars au secteur privé syrien. Le coût du risque et les dépréciations associées à cette situation pourraient donc être colossaux, de même que leur impact sur la dette publique [6].

Un tissu social éprouvé

Les premiers réfugiés syriens sont arrivés au Liban en avril 2011 et leur nombre a été accru de 30.000 personnes suite aux évènements de la semaine du 16 juillet 2012 à Alep, et des combats d’août, portant ainsi le total estimé au minimum à 70.000 personnes. Les réfugiés provenant encore majoritairement de Homs sont essentiellement présents dans le nord du pays (région de Wadi Khaled), dans la vallée de la Bekaa et à Beyrouth. Au-delà de quelques centres dédiés à leur accueil, qui mettent beaucoup de temps à se mettre en place [7], la plupart vit dans des familles libanaises ou syriennes dans lesquelles ils ont été accueillis sur la base de liens familiaux ou de la solidarité confessionnelle avec les sunnites majoritaires dans le nord du Liban.

Les femmes sont surreprésentées et la presse libanaise se fait régulièrement l’écho de la présence importante d’enfants. Ces enfants souvent inscrits dans les écoles publiques libanaises sont confrontés à des difficultés liées à l’enseignement de certaines matières en français, ce qui n’est pas le cas en Syrie. Les réfugiés bénéficient actuellement de l’aide du Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies (HCR), qui a distribué des biens de première nécessité et de l’aide alimentaire et prend en charge leur scolarité, du Haut Comité de Secours du Liban, et de programmes de soutien de l’UNICEF ou de diverses ONG. La communauté internationale devra néanmoins poursuivre du mieux qu’elle peut l’acheminement d’aide et la préparation de leur réception sur le terrain.

L’autre aspect social des répercussions de la crise syrienne se trouve dans la reproduction des tensions syriennes au sein de la société libanaise.

Si Beyrouth a été affectée par des tensions entre pro et anti-Assad tout au long de la crise en raison de son rôle politique, c’est la ville de Tripoli et les régions du nord qui ont concentré la plupart des heurts. Ainsi, certains quartiers rivaux comme Bab al-Tabbaneh et Jabal Mohsen, l’un alaouite, l’autre sunnite, se sont-ils régulièrement affrontés. De même, les enlèvements de Syriens sunnites au Liban et de Libanais chiites en Syrie ont-ils induit une véritable dynamique de conflit. Plusieurs régions du territoire ont été concernées, de la banlieue Sud de Beyrouth à la Beeka et au Nord du pays, accroissant ainsi le risque de tensions communautaires. Celles-ci se doublent d’un risque de fomentation plus nette, par Damas, de troubles au Liban, comme en attestent deux évènements récents. L’homme fort des Syriens au Liban, l’ancien ministre Michel Samaha (proche du 8 mars), a été arrêté début août après avoir transféré des explosifs au nord du pays [8]. Et la Force des Nations Unies pour le Liban (FINUL) a déjà été l’objet de trois attentats au cours de l’année 2011, certains [9]

Un défi sécuritaire autour du contrôle de la frontière

Depuis le début des soulèvements en Syrie la frontière libano-syrienne est devenue une zone de tension importante. L’armée syrienne a mené plusieurs incursions en territoire libanais au nom de la présence de bases arrière de l’opposition et du trafic d’armes qui alimenterait les insurgés. Impliquant des véhicules blindés et des chars, celles-ci constituent clairement une violation de la souveraineté du Liban, condamnée d’ailleurs comme telles par la France puis, enfin, officiellement, le 24 juillet, par le ministre des Affaires étrangères libanais qui a remis à l’ l’Ambassadeur de Syrie au Liban une lettre de protestation sans jamais le convoquer effectivement Ce revirement est notable car le ministre hezbollahi des Affaires étrangères, Adnan Mansour, avait jusqu’à il y a peu justifié les opérations syriennes au motif de la présence d’Al-Qaeda dans la vallée de la Bekaa.

Si la présence de cette organisation est douteuse, des groupes islamistes qui lui auraient été liés, forts d’individus venant de plusieurs pays arabes, y seraient bien présents et pourraient être en lien avec des groupes terroristes étrangers. La présence d’hommes des services de renseignement syriens ne fait pas non plus de doute. Enfin, les trafics et les prix des armes sont en augmentation le long de la frontière et augurent mal, pour le Liban comme pour la Syrie, des conséquences de la chute du régime syrien. Le risque de dissémination serait d’autant plus grand s’il concernait les armes chimiques et bactériologiques importantes que détient Damas. Ainsi le contrôle du territoire libanais et de sa frontière est-il un véritable enjeu pour préserver la stabilité du pays et de la région.

Un jeu politique à la merci de renversements d’alliances

L’explicitation des alliances libanaises actuelles nous permettra de mieux cerner les risques pesant sur la stabilité politique du pays.

La scène politique libanaise doit sa structuration actuelle aux événements de 2005 : l’assassinat de l’ex-Premier ministre Rafic Hariri et les manifestations populaires qui ont suivi et qui ont conduit au départ des troupes syriennes du pays. Dans cette structuration, deux camps se font face, ceux du 8 et du 14 mars en référence aux dates de deux grandes manifestations. La première a réuni les partisans de la Syrie : les mouvements chiites du Hezbollah de Hassan Nasrallah et du mouvement Amal de Nabih Berri. La seconde, qui réunissait les partisans sunnites du Courant du Futur, les druzes de Walid Joumblatt et les chrétiens des Forces libanaises, des Kataëb et les soutiens du général Aoun, accusait la Syrie de l’assassinat un mois plus tôt de Rafic Hariri et exigeait la fin de la mainmise de la Syrie sur le Liban, notamment à travers le départ des troupes et des services de renseignement syriens. Cependant, les composantes de ces deux camps ont évolué significativement depuis 2005. Ainsi les partisans du général Aoun étaient dans les rangs de la manifestation du 14 mars 2005 car leur leader avait été chassé du pouvoir en 1990 par l’armée syrienne et avait dû s’exiler en France. Le CPL n’avait eu de cesse de dénoncer l’oppression syrienne et après l’attentat contre Rafic Hariri, Michel Aoun lui-même avait déclaré qu’il n’avait aucun doute sur l’implication de la Syrie dans cet assassinat. Mais après les élections législatives de juin 2005, remportées par le mouvement du 14 mars, le général Aoun s’oppose au gouvernement formé par Fouad Siniora et signe en février 2006 un document d’entente avec le Hezbollah, principal allié de la Syrie. A partir de ce moment les « aounistes », rejoignent le camp du 8 mars, ce revirement pouvant s’expliquer par l’ambition personnelle du Général Aoun de devenir Président de la République ainsi que par la volonté de ce groupe de constituer une alliance des minorités.

Les élections législatives de juin 2009 consacrent une nouvelle fois le camp du 14 mars mais un deuxième renversement d’alliance va conduire à la chute du gouvernement en janvier 2011. Le Hezbollah, alors menacé par la publication prochaine de l’acte d’accusation du Tribunal Spécial pour le Liban (TSL) qui va mettre en cause certains de ses membres dans l’assassinat de Rafic Hariri, fait pression sur le gouvernement du 14 mars pour qu’il désavoue le tribunal international. Le 14 mars ne cédant pas, le Hezbollah décide de faire tomber le gouvernement en faisant démissionner l’ensemble de ses ministres et alliés, soit plus d’un tiers du gouvernement. Or la constitution libanaise prévoit que dans ce cas l’exécutif tombe. De nouvelles consultations s’ouvrent donc et le leader druze Walid Joumblatt apporte son soutien au candidat du 8 mars, Najib Mikati, consacrant sa rupture avec le 14 mars. Le basculement du principal parti druze dans le camp du 8 mars donne une nouvelle majorité au Liban sans qu’aucune élection n’ait été tenue.

Le nouveau gouvernement ne sera formé qu’en juin 2011. Le Hezbollah et ses alliés, dont Michel Aoun, détiennent la plupart des portefeuilles. Najib Mikati, ami personnel du président el-Assad, reçoit immédiatement après la formation du gouvernement les félicitations de la Syrie, inaugurant une nouvelle donne politique. Mais l’accentuation de l’insurrection syrienne est toutefois susceptible de bousculer à nouveau l’équilibre du jeu politique libanais et pourrait ouvrir la voie à de nouveaux renversements d’alliances dont les conséquences politiques et sociales doivent être anticipées.

A la merci d’un simple renversement d’alliances, la majorité gouvernementale pourrait changer suite à un nouveau positionnement du parti druze de Walid Joumblatt. Une telle éventualité n’est pas à exclure car celui-ci semble être guidé avant tout par la volonté de protéger sa communauté. En 2009, c’est l’avancée du Hezbollah, maître de plusieurs quartiers sunnites de Beyrouth, sur les régions druzes, qui l’avait conduit à rallier le camp du 8 mars en 2011. Or le même souci pourrait conduire Walid Joumblatt à faire le chemin inverse dans le cas d’une chute du régime syrien. En effet, Damas est le principal soutien avec l’Iran du Hezbollah et sa chute affaiblirait considérablement le mouvement chiite. Dans ce cas la menace serait moindre et le 14 mars serait mieux à même de protéger les intérêts des Druzes. Les récentes prises de position publiques de Walid Joumblatt contre le régime de Damas l’éloignent de facto de ses alliés du 8 mars qui soutiennent ouvertement le régime. Dès lors que le leader druze a appelé les Druzes syriens à prendre le parti du peuple contre le régime et à armer l’opposition syrienne, chacun comprendra aisément que sa position relève plutôt du 14 mars que du 8 mars.

Parallèlement, les agissements du clan chiite Al-Moqdad accusé d’enlèvements au Liban, ainsi que la situation en Syrie, embarrasse le Hezbollah bien que ce clan n’en fasse pas officiellement partie. Certains de ses membres ont affiché une certaine neutralité quand d’autres se montrent encore plus pro-syriens et à même d’être instrumentalisés par l’Iran [10]. Hassan Nasrallah, chef de la milice libanaise, ayant pris le parti du régime, tente pour l’instant de satisfaire les deux camps, nationaliste et pro-iranien, tout en s’inquiétant d’une présence de groupes salafistes sunnites au nord, qui discrédite son mouvement. Mais les évènements ne jouent pas pour lui. L’hypothèse d’une marginalisation politique conjuguée à des risques de heurts armés, notamment avec des groupes salafistes au nord, mais aussi des sunnites ou des chrétiens, existe. Elle aurait pour toile de fond un trafic d’armes et un raidissement d’Israël et de l’Iran, tous deux affaiblis dans leurs rhétoriques contestataires.

Conclusion

L’instabilité des alliances politiques libanaises et les répercussions économiques, sociales et sécuritaires du conflit syrien au pays des Cèdres depuis le début des évènements ont conduit tout au long de la crise son gouvernement à adopter une position aussi neutre que possible. Mais l’enchevêtrement et la plus grande dynamique des conflits sur le sol libanais s’accroissent de jour en jour, tandis que les risques de dissémination d’armes sont importants. Elle pose la une nouvelle fois la question de la stabilité gouvernementale et sociale libanaise.

Si la population libanaise semble décidée à éviter un embrasement, la classe politique et la communauté internationale doivent anticiper un possible changement d’alliances gouvernementales ainsi que les enchainements de violence interne et régionale que la chute éventuelle de Bachar el-Assad pourrait alimenter. A cet égard, un contrôle étroit du territoire libanais, une assistance aussi forte que possible en matière d’aide humanitaire, et une forte implication de services de renseignements libanais et américains semblent nécessaires.

[1] Cette guerre déclenchée par un accrochage entre le Hezbollah et l’armée israélienne et l’enlèvement de deux soldats israéliens dura de juillet à août 2006. L’absence de vainqueur dans ce conflit dévastateur pour le Liban permit au Hezbollah d’engranger un bref élan de solidarité.

[2] Ceux-ci concernent tant l’économie, les finances et les milieux d’affaires que les services de sécurité.

[3] On estime ainsi en 2010 qu’un tiers des avoirs syriens à l’étranger étaient placés au Liban, que 60% des familles libanaises avaient des parents en Syrie, et que trois cent mille syriens travaillaient au Liban

[4] Le Fonds tablait en avril 2012 sur une croissance de 3% en 2012, mais cette prévision apparait optimiste.. De même la plupart des banques libanaises ont souligné dans leurs bulletins de conjoncture l’impact des événements syriens sur l’environnement économique. L’agence de notation Moody’s s’est également basée en partie sur la détérioration de la situation en Syrie pour dégrader certains établissements bancaires en décembre 2011 et mai 2012, insistant dans certains cas sur leurs liens avec le risque de crédit souverain.

On relève trois canaux de transmission économique de la crise syrienne. En premier lieu se trouve la situation géographique du Liban qui fait de la Syrie un partenaire commercial privilégié mais aussi sa seule porte de sortie terrestre. La perte du marché syrien se combine à des conditions de sécurité du transport terrestre très dégradées qui font augmenter les coûts d’assurance et affectent fortement les exportations de produits libanais ainsi que la distribution, dans les autres pays de la région, des produits arrivant par le port de Beyrouth. Les exportations de produits agricoles et de ciment sont particulièrement touchées[[La Cimenterie nationale fait état d’exportations qui seraient tombées de 100.000 tonnes à 30.000 tonnes par trimestre, rejoignant les estimations d’autres acteurs du secteur.

[5] Le Liban est souvent un produit d’appel pour des circuits régionaux qui incluent des visites en territoire libanais, notamment sur le site de Baalbek

[6] La dette publique libanaise atteignait, en 2010, 139% du PIB (Source : Ministère des Affaires étrangères français). Le Liban fait souvent l’objet de renégociations de dette.

[7] A titre d’exemple, le centre d’enregistrement du Haut Commissariat de l’ONU a mis 18 mois à être mis en place, handicapant ainsi l’organisation de l’aide humanitaire.

[8] Ce transfert, qui aurait été fait sur ordre d’Ali Mamlouk, chef des services de sécurité syriens au Liban, indique que le régime syrien est prêt à déclencher des actions terroristes au Liban. Des investigations libanaises visant ce personnage et le lancement, autour du 20 août, de mandats d’arrêt syriens contre plusieurs personnalités politiques libanaises de l’opposition lui font écho.

[9] Tel l’ancien ministre et deputé du 14 mars Marwan Hamadé. accusant le régime syrien d’avoir commandité ces actes.

[10] Le Ministre Fneich et le député al-Fayad.

Loïc Kervran et Olivier Marty

 22 octobre 2012